Résilience Equestre Holistique
Ou plutôt : l’impact de mes chevaux et de mon équitation sur ma vie.
L’heure semble être au bilan. Dans la recherche équestre qui m’anime, les questionnements sont récurrents, la discipline invite à la remise en question, pour certains. Mais aujourd’hui, j’ai besoin de m’arrêter un court instant pour faire le bilan de ces 11 dernières années, 11 années où 5 équidés sont entrés dans ma vie privée, 5 individus uniques et spéciaux qui m’ont apportée leurs lots d’expériences, de rencontres, de questions et de changements.
Arriado, à la découverte de l’autonomie.
Arriado, en 11 ans, m’a apporté de très nombreuses leçons, mais la plus marquante à ce jour pour moi, fut celle de la reprise de pouvoir personnel. J’entends pas là que l’autorité de quelqu’un, sur certains sujets, avaient un fort impact sur moi. Si quelqu’un m’inspirait confiance dans un domaine et qu’il dégageait charisme et conviction pour ce qu’il faisait, « j’obéissais » assez aveuglément, avouons-le. Jusqu’au jour où son intégrité physique a été durablement et violemment impactée. 18 mois de calvaire suivi de 3 ans de rééducation jusqu’à la ré-information cellulaire tant son corps avait imprimé la douleur. C’est ce qu’il m’aura fallu pour me décider à me faire mon propre avis sur un sujet, une pratique, une « méthode » ( bon, le rejet de toute méthode découle aussi de là ! ). A partir de là, découvrant le monde riche des innovations équines et de la remise en question totale de la gestion traditionnelle des chevaux et de leur travail, je suis devenue un puit sans fond de questions.
Dans le travail, Arriado m’a appris à chercher. Ses difficultés locomotrices combinées à notre forte relation m’ont permis d’expérimenter, de me tromper, de chercher, de tatoner, presque trop. Il était partant pour toutes les expériences. Aujourd’hui, il me montre qu’il est temps de moins faire et de plus » être ». Et c’est encore un tout autre monde.
Son surpoids, chaque été, m’a amené à me pencher sur les équi-pistes, passionnant sujet, qui m’ont amené à la permaculture, LA philosophie qui a tout compris, puis la CNV de Marshall Rosenberg pour en arriver à enseigner différemment et semer l’idée en moi de créer un lieu de vie pour les chevaux où leur liberté de choix se combine à la satisfaction pleine et entière de leurs besoins de chevaux, ce qui m’a amené tout naturellement à me pencher sur mes propres besoins.
Les valeurs se dessinent, une éthique m’anime et l’excellence à laquelle j’aspire pour eux se voit, petit à petit, déteindre sur moi. L’incohérence de leur donner tout, de leur donner le meilleur ( à mes yeux ) dans les conditions de vie, les conditions de soin, les conditions de travail, le matériel etc … devenait trop énorme pour que je ne finisse pas par, enfin, m’octroyer de la qualité, de la beauté dans mon quotidien. Ils ont changé ma vie.
Scarento, résilience et collaboration.
Sca fait partie de ces chevaux cassés par leurs premières années de vie. Abîmés physiquement, émotionnellement, relationnellement, il aura fallu pas moins de 3 ans pour qu’il demande son premier gratte gratte sur le front ( je m’en souviens comme si c’était hier tellement c’était exceptionnel), et environ 8 ans pour qu’il accueille la présence de l’humain dans son espace comme une info positive et confortable. Scarento, c’est 7 ans de décompensations, 7 ans à osciller entre travail et arrêt, pour qu’une colique grave déclenche en moi la nécessité de demander de l’aide, d’en recevoir et que mes croyances que tout est juste me fasse percevoir le cadeau qui accompagne un tel drame.
Depuis cet évènement, Sca me dévoile une personnalité qui était bien cachée. Joueur, tendre, guide, danseur, il ne se refuse plus rien et m’offre le spectacle de sa renaissance chaque jour un peu plus. Tel un Phoenix, il s’est relevé plus vivant que jamais, et à 16 ans, je ne m’attendais pas à ça. Toute la beauté et la puissance du Pur Sang Anglais se dévoile enfin, ajoutées à son élégance, sa réactivité et sa légèreté.
D’un cheval Métal, froid, distant, renfermé, obéissant, je l’ai observé devenir leader de ses congénères, espiègle et grand, tant dans sa posture intérieure que sa posture physique.
Equestrement parlant, il m’apporte la rigueur de la gestion de l’énergie et de la posture car, tel un courant d’air, il peut s’échapper, se délayer dans le mouvement comme faire preuve d’une tenue et d’une solidité fragile mais puissante. Les micro mouvements articulaires de son cavalier ne lui échappe pas, un instant d’inattention, et l’énergie fuit. Il ne s’en offusquera pas, mais il ne me sauvera pas. Il incarne le délicat mariage des émotions et des postures, du rassembler émotionnel, mental et physique. C’est encore fugace, mais à son contact, je dois oublier la rigidité tout en étant rigoureuse sur la qualité de mes gestes, de mes postures et de mes pensées. Adapter nos postures pour le respect de notre intégrité physique, porter les émotions au service de la posture, et placer la relation au coeur du dépassement de soi, physiquement, émotionnellement, mutuellement. Ecoute, collaboration, justesse et reconnaissance.
Bellicina, la fragilité derrière la force.
Bellicina, tout juste débourrée, ne peut pas être montée. Ses tensions physiques et émotionnelles rendent encore son corps trop douloureux. Mais avant cela, elle a été mon maître en travail à pied. Tout feu tout flamme, elle avait besoin d’un humain solide et clair, et, à la fois fin et délicat, elle est un génie de la danse équine. Aucun mouvement ne lui est impossible, elle explore les 3 dimensions avec une puissance et une réactivité folle ( c’est d’ailleurs pour cela qu’on a fait appel à moi, car combiné à la colère, cela devenait dangereux ). Elle m’a montré l’impact puissant de ma posture intérieure et corporelle dans le travail en liberté. Ecorchée, abandonnée, incomprise, elle a développé un puissant bouclier qui a fini par l’enfermer dans un corps douloureux. Et on s’est trouvée. Une finesse abrupte, une intransigeance non dissimulée, mais un abandon total à l’humain qui l’entend, qui respecte son besoin de profondeur et de liberté. Un diamant brute qui bouscule nos résistances et met le doigt là où ça fait mal. Elle m’a ouvert les portes de la pleine confiance, de l’authenticité comme des blessures émotionnelles ancrées. Elle me montre que c’est dans la relation que tout se joue, que la liberté de chacune peut se rencontrer, que la confiance qu’elle m’a donné n’a pas de limite et qu’on est pas obligé de crier ou de somatiser pour se faire entendre.
Kioui, à la découverte du lien.
Il nous a rejoint depuis seulement 3 mois et déjà il se fait entendre. Kioui, du haut de ses 15 mois, exprime clairement que toutes les stratégies sont à essayer pour assouvir un besoin, quoi qu’en disent les autres. Violemment rejeté par le troupeau les 15 premiers jours de son arrivée, cela ne l’atteignait pas, il trouvait toujours un moyen pour se trouver avec le troupeau, ne leur en déplaise. Tisseur de lien, il déambulait au milieu du troupeau, tissant des liens invisibles entre chacun d’eux, entre lui et eux. Le lien, c’est la vie. Cela paraît anodin, normal pour un jeune poulain tout juste sevré, oui, le lien social est relié directement à la survie du poulain, mais pas que.
Chaque fois qu’un nouveau cheval intègre la pâture voisine, il l’accueille, le rencontre et l’appelle. Mais pourquoi ces clôtures ? Pourquoi ces séparations ? Pourquoi ne pas être tout ensemble ? C’est encore une information qui lui échappe, et à juste titre, de son point de vue. Alors, malgré son grand respect des limites, il va trouver LA faille qui lui permettra d’assouvir son besoin. Et comment lui en vouloir. L’amour inconditionnel incarné : « je vois un congénère, je ne peux que m’y attaché « , même si ils sont loin de tous l’accueillir les bras ouverts avouons-le. Il détonne avec le reste du troupeau, trop attaché à ses habitudes, ses privilèges, ses ressources. Non, Kioui part du principe qu’il ne peut qu’être gagnant à aller vers les autres. Pas d’autres enjeux que celui d’être en lien. Et finalement, y a-t-il quelque chose d’autre de plus nécessaire ?
Umbrio, l’introverti.
Le mystérieux, le discret, presque le sacrifié. Umbrio se dévoile peu, il accepte peu de recevoir et semble ok pour tout mais serein dans rien. Dévoué à sa précédente gardienne, il se fait petit mais aussi figé. Il n’a pas encore osé se montrer, s’exprimer, mais le temps viendra.
Il m’apprend l’inconfort relationnel de la discrétion, de prendre sur soi et d’attendre. Il m’apprend le danger de ne faire que donner. Les personnes qui le croisent perçoivent sa grandeur, mais il ne semble pas disposé à l’exprimer et l’expanser. Peut-être que cela n’arrivera jamais. C’est ok. Mais cette lumière qui émane de lui ne demande qu’à briller. Alors, j’apprendrai à l’accompagner.
Chacun me guide vers la subtilité.
Leur impact le plus important sur moi fut la découverte d’un monde invisible, un monde subtil mêlant les émotions, les pensées, l’énergie à la matière.
Leur santé comme leur locomotion m’ont emmenée vers la Médecine Traditionnelle Chinoise, le chamanisme, le magnétisme, la communication animale …etc .
Grâce à des rencontres humaines exceptionnelles, nous avons été accompagné par des fées toutes plus magiques et ancrées les unes que les autres. J’en suis même arrivée à passer le pas de me former à cette discipline qu’est la MTC car elle replace l’individu dans le Tout, le Tout extérieur mais aussi celui de l’intérieur, ne séparant plus le corps, des émotions, ni des saisons, ou encore de la Nature.
Un retour à l’essentiel qui ne fait que commencer.
Ils me laissent croire qu’ils me suivent, mais en réalité, ils guident chacun de mes pas. Chacun un petit bout de moi, chacun, un être exceptionnel à part entière, je ne suis plus la même depuis qu’ils sont entré dans ma vie.
Sous le prétexte d’avancer vers mes rêves, ils font que je transforme ma réalité pour la vivre comme un rêve.
Ils font de mes actes, de mes pensées, de mes rencontres, des expériences conscientes, enrichissantes et salvatrices.
Ils rendent le chemin encore plus beau, sublimé par leur sagesse.
Je me vois plus, à leur contact, je m’aime plus, je me rencontre plus. Et qu’est ce que j’aime ce chemin, grâce à eux.
Merci mes amis.
Photos by Valérie Guévart.